Kais Saïed s'est-il trompé en expulsant les membres de la Commission de Venise ?


Je ne suis ni un partisan du groupe « Nous allons jeter Israël à la mer », ni un partisan du groupe « Nous les mangerons avec nos dents ». Bref, je comprends que tous les pays du monde vivent aujourd'hui dans un environnement territorial et international, et qu'ils doivent coexister en interagissant positivement avec lui autant que possible, sans s'éloigner  sous prétexte de défendre la souveraineté nationale.  C'est peut-être une grave erreur avec des résultats catastrophiques, dont le premier est l'isolement, cela peut mener à la faillite, mais ce que Kais Saïed a dit de la Commission de Venise, malgré ma réserve sur la méthode, est inévitable, quelles que soient les répercussions matérielles, ou affaiblir les relations entre l'Union européenne et la Tunisie. Parfois, on doit prendre des décisions douloureuses pour éviter d'autres.

Pour ceux qui ignorent qui est la Commission de Venise, il faut d'abord savoir qu'il s'agit d'un comité émanant de l'Union européenne, composé d'experts et de professeurs de droit constitutionnel, qui a été formé principalement pour préparer les constitutions des pays d'Europe de l'Est afin de assurer leur loyauté au camp des pays occidentaux et parvenir à une rupture complète avec la Russie après l'effondrement de l'Union soviétique.

Après avoir atteint son objectif, la Commission de Venise s'est tournée vers plusieurs pays non européens afin de les aider à adopter ce qu'elle appelle la législation des constitutions qui garantissent la démocratie et la liberté de leurs peuples. L'activité et la présence des membres de ce comité se sont bien évidemment accrues dans tous les pays dits du printemps arabe, y compris la Tunisie.

Au lendemain du départ de Ben Ali, la présence de nombreuses organisations internationales, notamment américaines et européennes, s'est renforcée en Tunisie, telles que l'NDI du Parti démocrate américain, l'IRI du Parti républicain américain, la Commission de Venise de l'Union européenne, et d'autres organisations occidentales qui n'ont pas eu d'impact dans notre pays avant ce qu'on a appelé la révolution de jasmin. Toutes ces organisations étaient intéressées à déterminer la voie politique et l'avenir de la Tunisie après le départ de Ben Ali.

Ce qui est étrange, c'est que ces organisations étaient présentes au sein du premier noyau chargé de négocier la voie politique de la nouvelle Tunisie en le Comité Ben Achour et ont même tenu des réunions secrètes avec certaines des soi-disant personnalités nationales, militaire, le général Rashid Ammar.  Toutes ces organisations sont celles qui ont jeté les bases de la constitution de 2014, ainsi que de la loi sur les autorités locales.

Quant aux députés de l'Assemblée constituante, ainsi qu'aux soi-disant experts en droit constitutionnel, leur véritable tâche se limitait à traduire  les décisions de ces organisations dans la Constitution, tout en leur laissant une petite marge de manœuvre décision sur des questions qui n'affectent pas les fondements du projet de ces organisations. Le projet était le suivant : Un système politique que les Tunisiens ignorent totalement, voire en contradiction avec leur structure sociale, leur histoire, et ce système était soutenu par la loi des groupements locaux.

Il est à noter que ce système politique effectivement choisi pour la Tunisie est le même système qui a été décidé par ces organisations pour la Syrie après le départ de Bachar Al-Assad, qu'ils n'ont pas réussi à obtenir dans le prochain projet de constitution, qui s'appelle le "Document de Washington", le même cas pour la constitution irakienne.

Ces organisations ont choisi le système politique, des pays du Printemps arabe, basé sur :
- Un Chef d'État avec des pouvoirs honorifiques.
- Un Système parlementaire.
- Le président ne nomme pas le premier ministre.
- Le président n'a pas le droit de dissoudre le parlement.
- Des pouvoirs étendus pour les gouvernorats sous le nom de gouvernance décentralisée ont été inscrits dans la loi sur les autorités locales.

Le but de ces organisations n'était pas de nous aider dans la transition démocratique, mais plutôt leur but était de concentrer une constitution, un système législatif intégré pour affaiblir l'autorité centrale de l'État au profit de l'autorité des régions et de disperser la décision entre plusieurs des centres d'influence (présidence, gouvernement, gouvernorats et régions) qui conduit finalement à un État brisé, faible et isolé de son environnement.

Personne ne nie que ce système nous a été imposé par des partis étrangers dans la mesure où beaucoup ont confirmé la présence de partis appartenant à des ambassades étrangères sous la coupole du Parlement le jour du vote de la constitution de 2014. La même chose que nous avons adoptée dans la loi sur les collectivités locales, ainsi que dans notre loi électorale, qui visait à répartir le pouvoir entre plusieurs partis discordants, avec lesquels il est difficile de mettre en œuvre un programme électoral pour un parti en particulier, quelle que soit sa taille.

Ce qui est étrange, c'est que nous n'avons pas tiré les leçons de ce piège tendu dans la constitution et dans le système électoral approuvé aux élections législatives, nous l'avons même reconsacrée une troisième fois dans la loi du 14 février 2017 relative aux élections municipales. C'est le système électoral par listes avec l'adoption des plus grands reliquats.

Bien sûr, ce système a produit pour nous une image similaire au Parlement, de sorte que la plupart des partis et même des listes indépendantes sont présents au sein du parlement , dans des proportions, sans que l'un d'entre eux peut mener la barque.

Il ne me reste plus qu'à dire que le silence sur ces organisations peut anéantir tout espoir de sortir de la situation difficile dans laquelle elles nous ont mis, et pour résumer : « ça suffit », il n'y a plus de place pour le silence de la destruction qu'ils commettent dans ce pays, quelles qu'en soient les répercussions sur la Tunisie.

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