« La Tunisie fait partie de la Oumma islamique (nation). L’Etat doit veiller à la réalisation des finalités de l’Islam en matière de préservation de la vie humaine, de la dignité, des biens, de la religion et de la liberté », a stipulé l'article 5 du projet de la nouvelle constitution présentée au référendum le 25 juillet, un article qui un retour en arrière par rapport au caractère civil de l'Etat tunisien, créant une polémique et un grand refus, obligeant le président de la république a faire des changements au niveau de ce projet, autrement dit comme il a affirmé "des corrections", dans son discours adressé au peuple tunisien à l’occasion de l’Aid Al-Idhha.
En effet, depuis la publication de ce projet, beaucoup d'articles ont suscité une polémique chez la majorité des citoyens. Si toute référence à l’Islam a été supprimée de l’article 1, qui stipule désormais que "La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain". On trouve l'article 5 précisant, cependant, que la Tunisie appartient à la nation arabe et reste attachée aux dimensions humaines de l’Islam.
Je vois que cette formulation pourrait permettre aux dirigeants de l’État, aux législateurs et aux tribunaux de faire référence aux «objectifs de l’islam» et de s’appuyer dessus pour saper les droits fondamentaux, notamment lors de l’examen de lois relatives à l’égalité de genre ou aux droits et libertés individuelles, au motif qu’elles entreraient en contradiction avec les principes religieux.
S’il sera adopté, l’article 5 pourrait également servir de mandat pour établir des discriminations vis-à-vis d’autres groupes religieux. Un article qui vise facilement à diminuer, restreindre les libertés, sous prétexte de réaliser ces préceptes, un article que je suis sur le souverain a voulu l'inculquer au sein de la constitution, et ça ne m'étonne pas.
Mais, il parait que le président de la république a entendu les critiques, approuvant que des erreurs dans le projet de Constitution paru au JORT vont être rectifiés.
Le fameux article 5 a fait partie de l'ensemble de ces changement, on constate la mention «au sein d’un système démocratique» dans la phrase affirmant que la Tunisie «fait partie de la communauté islamique» et que «l’État doit travailler pour atteindre les objectifs de l’islam».
Cet article a été fortement critiqué pour les possibles ambiguïtés dans son interprétation, le recours à la "Chariaa", et l'État passera d'un État civil neutre dont le peuple est musulman, à un État qui travaille pour atteindre les objectifs de l'Islam.
Ainsi, le facteur religieux, spécifiquement l'islam, devient une composante non seulement de la culture, mais aussi un élément de la vie politique et juridique de l'État. Et pour que l'État travaille à la réalisation des objectifs de l'islam, il est obligé de revoir sa législation et la composition de ses institutions conformément aux objectifs de l'islam.
Ainsi, la religion acquiert un rôle subversif, alors qu'elle n'était qu'un élément culturel descriptif dans la constitution de 2014 qui s'arrête aux frontières de l'État civil qui peut stopper tout projet religieux ou toute tentative de donner la priorité à la considération religieuse dans la législation de l'État.
Quand-même, ça ne neutralise pas la possibilité d'une interprétation religieuse. Ce qui pose problème, c'est que l'État veille à réaliser ces objectifs-là. Le préambule de la Constitution de 2014 exprimait « l'attachement de notre peuple aux enseignements de l’Islam », sans caractère normatif. Au contraire, faire peser l’obligation sur l’État est une menace pour les droits et libertés.
Je pense que cet article s'agit notamment de ses convictions personnelles, c'est quelqu’un d'assez conservateur, qui avait en tête de garder un certain ordre moral dans la Constitution.
Ce que les islamistes n'ont pas pu faire passer dans la constitution de 2014, Kais Saied le leur a présenté comme un cadeau dans cette constitution, qui est la « Constitutionnalisation de la chariaa ».
L'article 55 : les droits et les libertés remises en question
En outre, malgré la restauration intégrale du chapitre deux de la constitution de 2014 dans le projet du président, on a ajouté de certains éléments, tels que la criminalisation de la discrimination, les droits des personnes âgées et la liberté individuelle. Mais le projet de constitution a placé des contrôles sur les droits et les libertés qui les détourneraient ou même nuiraient à leur essence, ici on parle de l'article 55.
Par ailleurs, l'article 55 a engendré une grande vague de critiques. Ce qui a poussé également Kais Saied à mener certaines corrections. Ainsi, il a été mentionné qu'«il n’y a pas de limites aux droits et aux libertés garanties par cette constitution, qu’avec un texte de loi et pour une nécessité imposée par le régime démocratique ».
Au sujet des droits et libertés, les modifications apportées à cette deuxième version de la Constitution sont un peu plus substantielles. Les restrictions aux libertés « dans le but de protéger les droits d'autrui ou pour les besoins de la sécurité publique, de la défense nationale ou de la santé publique » doivent désormais être proportionnelles, et ne peuvent plus être justifiées en référence aux « bonnes moeurs », comme l'a dit l'ancienne version.
Aussi, cet article, dans sa version ancienne, pourrait être exploité pour restreindre les libertés individuelles, reflétant la vision conservatrice de Kais Saied, et la bigoterie qu'il essaie de nourrir chez l'esprit des tunisiens.
On constate donc que Saied a essayé de réagir aux différentes critiques de son projet, en édulcorant un peu des articles. Il a aussi voulu couper court à quelques interrogations. Par exemple, des Tunisiens et Tunisiennes ont pris l’absence de formes féminisées dans certaines formulations comme une menace d’exclusion contre les femmes. Le président a donc ajouté « électrices » ou « pour chacun et chacune », lorsque c’était nécessaire.
Les libertés qui étaient garanties par la Constitution de 2014 peuvent être restreintes si elles s’opposent à l’application des finalités de la "Chariâa", selon lui, et c'est ce que je qualifie de très dangereux.
Par conséquent, toute compréhension de la liberté est conforme à ses objectifs, et des restrictions peuvent être imposées qui contredisent ces objectifs, car c’est comme si nous établissions un État islamique.
Ainsi, les droits et libertés deviennent indépendants de leur degré de compatibilité avec le concept d'État civil ou d'État démocratique, et de ce qu'ils supposent du principe de liberté et du droit à la différence et à la diversité.
Quant aux articles concernant l’élection du président de la République, les modalités et les différentes mesures relatives à l’élection du président de la République, quelles que soient les éventualités, ont été également modifiés.
On note également que selon la nouvelle notion, « les mesures exceptionnelles prennent fin selon le texte révisé, une fois le Parlement installé et ses membres élus ».
Un référendum sur le nouveau projet de Constitution est prévu donc le 25 juillet, soit un an après que le président Kaïs Saïed a suspendu le Parlement, s’est arrogé le droit exclusif de gouverner par décret et de refondre la Constitution tunisienne.
Il s'agit d'un projet plein de lacunes, fait sur mesure, avec des points qui sont une marche en arrière, au lieu d'écrire une constitution qui peut fonctionner pour les prochaines générations. Seul le peuple tunisien qui a le dernier mot pour le futur de ces derniers, par un simple "Oui", ou un "Non" révoltant... Moi, je dirai Non...