Des médias 100% vidéos : transformation des contenus informationnels sur Internet en France et en Tunisie


Si le journalisme a subi de plein fouet les effets de la transition numérique, le secteur des médias connaît aujourd’hui, une période d’étonnante créativité. C’est ce qui fait parler Dominique Cardon[1]  de paradoxe dans le secteur des médias lorsqu’il évoque le bouleversement dans la manière de s’informer et dans le financement de l’information au point qu'on parle des médias 100% vidéos.

D’une part, les internautes ont déplacé sur Internet une partie de leurs pratiques informationnelles. D’autre part, le marché publicitaire a cessé de donner ses budgets aux médias pour les confier aux agrégateurs et aux réseaux sociaux. La crise des médias est donc à la fois celles des usages et celle du modèle économique. Toujours selon Cardon, pour s’adapter aux mondes numériques, il faut être capable de réinventer son modèle, de produire des innovations qui prennent en compte à la fois les nouvelles pratiques et les spécificités de l’économie numérique.

Dans ce contexte, de nouvelles plateformes ont vu le jour : les médias 100 % vidéo. En France comme aux États-Unis, les médias ont pris des formes plus innovantes. On observe une plus grande diversité de statuts et l’émergence d’entreprises de presse à but non lucratif.  Dans ce cadre, on citera l’exemple du plus grand groupe de médias allemand, Bertelsmann qui est la propriété de la fondation Bertelsmann.

La plupart des grands titres de presse français prennent aujourd’hui la forme de société par actions. Brut, Konbini, Loopsider, Explore Media et Neo, ces nouveaux médias 100 % vidéo, accessibles sur les réseaux sociaux, gagnent de jour en jour de la place sur la scène médiatique. Le principal avantage de ces nouveaux médias est leur stabilité financière, grâce justement au modèle de société par actions.

Parallèlement à l’émergence des nouveaux médias, les médias sociaux (Twitter, Facebook, Youtube, etc…) s’imposent comme des moyens d’information à part entière, formant un nouvel écosystème médiatique bouillonnant et omniprésent. Comme constate Sadok Hammami, la généralisation des médias sociaux et la routinisation de leurs usages, sont parmi les transformations les plus significatives de l’écosystème des médias tunisiens.

On parle d’une transformation des anciens modèles économiques ; et du travail journalistique, due à l’émergence des réseaux sociaux. Ce constat nous a incontestablement mené à poser de nombreuses interrogations, dont :

  • Les réseaux sociaux ont-ils bouleversé le travail journalistique et le modèle économique des médias en ligne ?
  • Beaucoup d’informations sont disponibles gratuitement sur le web. Comment rester performant ? Concrètement, comment booster l’audience des médias en ligne ?
  • Comment les organisations médiatiques s’adaptent et se renouvellent dans les nouveaux environnements sociaux et politiques.

 

Produire des vidéos en Tunisie pour sauver le média en son format original

En effet, la presse électronique et les médias sociaux, nouvelles formes de diffusion de l’information, constituent un acquis important pour le secteur des médias en Tunisie dans la mesure où la multiplication des pure players d’information et des médias sociaux participe au développement de l’offre de contenus médiatiques sur l’actualité nationale et internationale dans les différents domaines politique, économique, culturel et social.

En Tunisie, les évolutions de l’écosystème médiatique s’accélèrent. Il s’agit de mutations des usages, de la crise du marché publicitaire, des changements des modèles économiques, sociales, .etc. Toutes ces mutations obligent les médias à s’inscrire dans une logique d’amélioration continue. Comme l’explique Fradin, de la même manière que l’invention de l’imprimerie a bouleversé la société, internet nous impose de revoir notre manière de penser, car il exige une approche systémique, multidimensionnelle.

Les professionnels de la presse en ligne et les acteurs innovants ont contribué à la diversification de l’offre de l’information et des produits éditoriaux. Ils ont donc encouragé la transformation des pratiques culturelles et sociales de production et de réception des contenus médiatiques.

Ces nouveaux médias se distinguent par le recours à de nouveaux canaux, comme les formats vidéo très courts - d’une durée de 1 à 5 minutes - partagés sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Snapchat, Instagram et TikTok) et dont les sujets interpellent essentiellement les jeunes générations, âgées entre 25 et 35 ans dénommées millennials, génération Y ou encore digital natives.  Et vu la gratuité qui caractérise les contenus actuels proposés par les médias en ligne, ces nouveaux médias, se réinventent et offrent davantage de formules de publicités personnalisées (les vidéos). 

De plus, l’existence de rédactions structurées montre que ces nouveaux médias commencent à s’imposer dans le champ journalistique tunisien malgré les multiples contraintes persistantes et pénalisantes comme le cadre réglementaire, et les contraintes financières : les lobbys politiques ou économiques, l’absence d’aides publiques et de publicité, l’absence d’une structure indépendante de mesure de l’audience des médias en ligne etc.


[1] Dominique Cardon : Les médias face à la révolution numérique, Culture numérique, pages 247 à 260.

Remarque : Cet article est issu de l'intervention de l'auteure au colloque annuel de l'Institut de Presse et des Sciences de l'Information tenu en mois de mars 2022