L’organisation mondiale «Reporters Sans Frontière » a annoncé hier son rapport intitulé « Journalisme en Tunisie : l’heure de vérité » portant sur le sujet de la liberté de presse en Tunisie depuis les élections présidentielles de 2019 jusqu’à aujourd’hui. Dans ce rapport, RSF a présenté les promesses « non-tenues » du Président Kaïs Saïed sur la liberté de la presse en Tunisie ainsi que les problèmes de la scène médiatique tunisienne.
Bien qu’il ait proféré le 23 octobre 2019, sur le principe de « Liberté » comme essentiel acquis de la révolution tunisienne, et son engagement à travailler pour le respect des obligations nationaux et internationaux de la Tunisie, particulièrement les articles 31 et 32 de la constitution de 2014, Kaïs Saïed a fermé ses portes aux médias.
Le directeur du bureau à Tunisie, Souhaieb Khayati a déclaré d’ailleurs : « depuis la révolution tunisienne de 2011, les relations troubles entre la classe politique et le monde des affaires ont sensiblement influencé le paysage médiatique du pays ».
Incidents enregistrés après le 25 juillet 2021
RSF a mis l’accent les incidents qui sont suivi le 25 juillet 2021, date de l’annonce du président de la république du gel du parlement pour s’approprier tous les pleins pouvoirs. A titre d’exemple, le 26 juillet 2021, les forces de l’ordre tunisienne ont expulsé les journalistes de l’établissement qatari « Al-Jazira » sans qu’il y ait un mandat.
Deux jours plus tard, le Président Directeur Général de l’Établissement de la Télévision Tunisienne (ETT), Mohamed Lassaad Dahech, a été démis de ses fonctions par la présidence de la République.
Le 26 juillet 2021, alors que des membres du parti islamiste Ennahdha réclamaient la reprise des activités au Parlement, deux journalistes reporters ont été frappés par des manifestants qui ont détruit leurs appareils photo.
Cette pression politique dérange en réalité la liberté de presse soumise à une pression remarquable depuis le 25 juillet 2021, sachant que la liberté de la presse et de l’information est un acquis incontestable de la révolution tunisienne. Et tel qu’il est noté dans le rapport de RSF :« Ce chevauchement entre médias, capital et politique pose un problème d’abord au niveau légal, puisque le cahier de charges de la HAICA l’interdit, mais aussi au niveau de l’indépendance des médias ».
Recommandations et conseils
Dans son rapport RSF a présenté une série de recommandations aux différents acteurs de la scène médiatique, à savoir :
- Préserver et respecter les garanties constitutionnelles de la liberté d’opinion et d’expression, et de la liberté de la presse instaurées depuis la révolution de 2011
- Affirmer clairement le caractère fondamental de la liberté, de l’indépendance et du pluralisme du journalisme pour la transition démocratique tunisienne ;
- Abroger les textes de loi hérités de l’ère Ben Ali, contradictoires avec les droits et libertés consacrés depuis la révolution de 2011, relatifs notamment aux médias et aux journalistes ;
- Publier une feuille de route claire pour un programme urgent de réformes législatives dans le secteur des médias qui vise à inscrire dans la loi les plus hautes ambitions de la Constitution et des obligations internationales souscrites par la Tunisie en la matière ;
- Respecter et garantir, dans l’attente de l’adoption d’un cadre légal protecteur, le respect des décrets 115 et 116 de 2011 ;
- Restaurer et respecter la plénitude des compétences et prérogatives de la HAICA jusqu’à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives ;
- Soutenir le Conseil de la presse tout en respectant et préservant son indépendance ;
- Respecter le droit des journalistes des médias publics et privés d’accéder en toute liberté aux informations et de couvrir tout évènement local ou national d’intérêt général ;
- Développer une politique publique des médias dans le respect des standards internationaux en la matière ;
- Enquêter et engager des poursuites systématiques contre les auteurs d’exactions commises envers des journalistes et des médias pour mettre fin à un climat d’impunité nocif à la liberté de la presse ;
- Assurer une communication transparente sur la situation politique et sécuritaire du pays, lors de points presse réguliers ouverts aux questions des journalistes et médias.
Et afin de jouer pleinement leur rôle de nécessaire pilier démocratique, RSF rappelle les journalistes de leur devoir de respecter les droits et les pratiques déontologiques de la profession, comme établis dans la charte du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), ainsi que les dispositions des décrets 115 et 116. Le refus de toute ingérence éditoriale, et à cet égard, de toute tentative de retour des pratiques antérieures au 14 janvier 2011 doit rester la ligne directrice de chacun.
De même, RSF a rappelé dans son rapport l’importance pour la profession de développer et améliorer la formation continue des journalistes pour répondre à leurs besoins professionnels, et favoriser la production d’une information impartiale, libre, indépendante et de qualité. À ce titre, l’organisation les incite à s’impliquer pleinement dans le processus d’éducation aux médias.
Et dans l’objectif de refuser toute forme de désinformation et de manipulation, RSF incite les médias à rejoindre l’Initiative sur la fiabilité de l’information (Journalism Trust Initiative, JTI) lancée par l’organisation.